Nous revoilà pour notre série de portraits des métiers de l’ombre. Aujourd’hui une dame est à l’honneur pour nous parler de sa profession. J’ai échangé avec Wellingston et voici ce qui en est ressorti. A consommer sans aucune retenue.

Salut ! Pourrais-tu rapidement te présenter et nous dire le métier que tu exerces actuellement ?

Bonjour ! Je m’appelle Maëva « Wellingston » Diagne et je suis technicienne multifonction chez Alt Tab Productions / O’GamingTV. Je dis souvent ça pour résumer vu que dans l’esport, en tout cas au début, on était tous amenés à toucher un peu à tout par manque de moyens. Dans le détail je suis réalisatrice d’émissions, cameraman et observer, qui est un nouveau métier créé avec l’esport consistant à être cameraman dans le jeu. Parfois je fais de la live prod, ou de la gestion de matériel technique.

Quel a été ton parcours, que faisais-tu avant de basculer dans l’esport ?

Je suis sortie du lycée avec un bac L option cinéma. Je voulais devenir réalisatrice de films à la base, mon rêve était d’adapter L’Epée de Vérité en films avec Peter Jackson en co-réalisateur, du coup je suis partie à Paris pour faire des études de cinéma à l’Institut International de l’Image et du Son (ça fait très pompeux) ou 3iS.

L’école durait 3 ans : 1 an et demi de tronc commun où on apprenait tous les métiers de l’audiovisuel et la dernière année et demie servait à se spécialiser dans un domaine.
J’ai vite compris qu’un diplôme de réalisation était risqué, et honnêtement ça voulait pas dire grand chose à l’époque au vu de nos cours lors du tronc commun. Je me suis dis qu’il valait mieux avoir un diplôme technique pour travailler vite à la sortie et réaliser à côté ou transitionner plus tard.

J’ai toujours eu un attrait particulier pour la photo et la composition d’image donc j’ai choisi cette spécialisation, et honnêtement l’école a, ou avait en tout cas, un excellent programme. J’ai énormément appris et aujourd’hui encore, la voix de mon professeur résonne dans ma tête quand j’observe (le métier de cadreur en jeu) une partie de League of Legends.

Mon parcours pré-esport s’arrête là, au final je n’ai pas connu grand chose d’autre que l’esport à part deux stages : l’un chez France 3 et l’autre dans une boîte d’événementiel ou j’ai pu monter une scène de A à Z, dû plancher aux lumières en passant par le son, à l’occasion d’un festival avec Dany Brillant, Gilbert Montagné et Patrick Sébastien (oui oui).

J’ai fini mes études avec mon stage chez O’Gaming en juin 2014 et on ne s’est pas lâchés depuis. J’ai d’abord été auto-entrepreneuse ce qui m’a permis de travailler avec d’autres boîtes comme ESL et Webedia, jusqu’à ce qu’O’Gaming me passe la bague au doigt, après 3 ans de passion.

© O’Gaming

Qu’est-ce qui t’a motivée pour te lancer dans ce job ?

Comme je disais, à la base je voulais vraiment faire du cinéma (réalisation ou caméra), j’étais à fond dans mon plan de carrière, jusqu’au jour où j’ai commencé à jouer à League of Legends.

Je n’ai jamais été une grosse joueuse, mon truc c’était plus de regarder les gens jouer et leur dire quand ils oubliaient un coffre haha. Du coup quand j’ai fini par passer tout mon temps à jouer à LoL et regarder les LCS au lieu de réviser mes cours et me donner les moyens de faire un métier qui avait déjà peu de débouchés, je me suis dis que je faisais clairement mal les choses mais je pouvais pas m’en empêcher, j’étais vraiment accro au jeu, à la scène, à l’univers.

À ce moment là j’ai eu une sorte de prise de conscience, l’école m’a appris que le cinéma était très hiérarchique et que même si c’est essentiel pour être bien organisé, parfois ça partait en guerre d’égo. Le fait de proposer une idée, bonne ou mauvaise, pouvait créer de sérieux problèmes, juste parce que c’était l’idée de l’assistant et pas du chef. Je voulais évoluer dans un milieu où les gens avançaient dans un but commun, où une bonne idée restait une bonne idée peu importe le grade de la personne qui l’avait avancée.
Quoi de mieux pour ça qu’un milieu bon enfant en construction

À partir du moment où j’ai réalisé qu’il y avait forcément des techniciens derrière les live LCS je me suis dis que c’était exactement ce que je voulais faire, surtout avec mon passif de backseat gaming, c’était parfait hahaha.
Aujourd’hui j’ai le sentiment si satisfaisant que tout est à sa place, je ne changerais de métier pour rien au monde.

En quoi consiste la routine d’une soirée de prod dans les grandes lignes ?

Dans les grandes lignes, si c’est une prod tranquille on arrive une heure en avance.  Pour une prod à enjeux comme l’Overwatch League c’est deux heures en avance. Sinon pour certaines prods avec pleins de gens, d’assets visuels, vidéos… Ça peut commencer dès 9h pour une émission à 19h.

Pour la réalisation il faut allumer le plateau, régler les caméras, vérifier que le son et les lumières marchent bien, régler les paramètres stream, préparer l’enregistrement pour les VOD, parfois intégrer des assets graphiques, les tester (ainsi que les vidéos).

Si c’est une grosse émission, on a un rundown qui détaille tout ce qui doit se passer et à quel moment. En général il y a d’autres personnes avec nous et on le lit tous ensemble pour vérifier que tout est clean et qu’on a bien le déroulé en tête.

Quand tout est prêt il faut lancer le stream, l’enregistrement et les pubs.  Pendant le live je passe des analystes, aux casters, au jeu aussi bien au son qu’à l’image selon la réalisation. À la fin je coupe le live et le record, lance la rediffusion, mets l’enregistrement dans la machine qui monte les VOD et éteins le plateau et la régie.

Pour l’observation c’est beaucoup plus simple. Je me connecte sur le compte, vérifie mes bindings et teste ma sensibilité de souris en observant une partie aléatoire.
Avant ou après selon les disponibilités du réalisateur, je lance une draft et une partie pour s’assurer que ses assets et mon HUD correspondent.

Quand le live est lancé je demande le “ready check” aux joueurs (on vérifie que tout le monde soit prêt). t Au top du réalisateur ou live prod, je leur dis de lancer la partie (sur League of Legends c’est obligatoirement les joueurs qui lancent la partie, contrairement à Starcraft par exemple, please Riot do something for obs/admins).

© O’Gaming

Au cadre c’est assez rapide à résumer : j’allume mes caméras en arrivant, nettoie les objectifs, fais la mise au point et si jamais j’ai une caméra sur une machinerie spéciale à gérer comme la grue par exemple, je m’entraîne un peu avant histoire d’avoir le coup de main avant la prise de live. Pendant le show, j’ai le réalisateur dans les oreilles qui me prévient quand il passe sur moi. J’essaie aussi bien de faire des plans travaillés en amont que des plans trouvés sur le moment, en faisant bien attention aux axes des autres caméras pour ne pas passer dans le champ quand elles sont live. C’est pas encore tout à fait au point pour tous les set up, mais ça vient !
À la fin du live j’éteins mes caméras et mets les batteries à charger s’il y en a.

Enfin, en live prod, j’arrive à peu près en même temps que mon réalisateur, j’ouvre le rundown, le vérifie et le corrige si besoin, puis le lis avec le réalisateur et les casters si possible.

Sur l’Overwatch League c’est un peu particulier parce que le live prod est aussi titreur, il envoie la boucle de début et la boucle de fin ainsi que les bandeaux avec le nom des casters du coup avant le live il prépare ces assets là en amont.

Pendant le live, le host et les casters ont une oreillette/casque qui me permet de leur dire ce qui va suivre selon le rundown ou la diffusion internationale afin qu’ils puissent amorcer une discussion sur le prochain asset à venir ou qu’il rendent la parole pour les interviews etc.

Dans le cas de l’Overwatch League, le live prod a aussi une conversation type Skype/Discord/Slack avec tous les autres pays et une personne de Blizzard qui transmet à tout le monde les assets à venir et le décompte de ceux-ci. Spécifique à l’Overwatch League aussi, le live prod s’occupe de prendre les commandes alimentaires de chaque personne présente sur le live, passer les commandes et aller les récupérer.

Ton aspect préféré et ton aspect le moins appréciable de ton métier ?

C’est marrant parce que c’est le seul et même aspect pour les deux réponses ! 
Mon préféré ce serait ma relation avec les collègues, parce que je les appelle jamais « collègues », je les vois tous comme des membres de ma famille O’Gamienne. On est tous là parce qu’on aime les jeux vidéo et qu’on veut construire un truc stylé ensemble autour de ça. Ça change pas mal des métiers plus classiques et ça crée forcément un lien particulier dans la boîte.

Le revers de la médaille c’est que du coup c’est plus compliqué, on ose moins dire à quelqu’un quand il ruin, on prend les choses plus personnellement ou au contraire on se permet de dire les choses mais avec moins de professionnalisme qu’il le faudrait.

Sinon l’aspect moins appréciable : les horaires ! C’est dur d’avoir une vie sociale en dehors avec ces horaires et le travail le week-end. Après j’ai de la chance, mes amis sont dans l’audiovisuel du coup ils sont souvent pris les samedi/dimanche aussi et on se voit en semaine.

Comment interagis-tu avec les autres métiers présents lors d’une soirée de live ?

En tant que réalisateur, s’il y a pas de live prod, on va voir les casteurs pour leur dire ce qui est différent des autres fois ou pas, tester l’oreillette avec eux, leur dire de bien orienter leurs micros, voir si tout passe bien à la caméra (chemises à rayures etc), où se placer et où se replacer si besoin. On va les chercher s’ils ne sont pas là à une minute max du live/reprise de pub, on leur fait le décompte et parfois des petites blagues à l’oreille.

Quand le live prod est là c’est lui qui va chercher les casters à une minute restante par exemple.Le réalisateur va lui dire que le micro est mal orienté, ou que quelqu’un est mal placé et il va transmettre. Comme cité au dessus, le live prod est dans les oreilles des casters et leur transmet toutes les infos importantes (sans flood pour pas les perturber).

En tant qu’observer, s’il y a un deuxième observer, c’est la personne avec laquelle je vais le plus communiquer pour avoir des infos sur ce qu’il voit et les actions. Avec le réalisateur et le live prod aussi pour qu’ils ne rentrent pas ni trop tôt ni trop tard dans la partie. Je communique aussi avec les administrateurs de tournois pour savoir où en sont les joueurs et les éventuels problèmes à communiquer aux casters ou autres.

Au cadre j’en parle un peu au-dessus mais c’est majoritairement avec le réalisateur, qui m’informe quand il passe sur moi et quand il part sur un autre plan. Parfois ça peut être le titreur aussi qui lance un asset sur mon plan et qui me prévient quand il en sort et si non j’écoute le live prod qui annonce les prochaines choses à venir pour être prête.

© O’Gaming

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer sur ce métier (habitudes, compétences, formation) ?

Faire une formation à l’ancienne de ce qu’ils veulent faire, en tout cas le temps que les formations esport deviennent vraiment bien. 
Ne pas hésiter à faire plusieurs choses différentes, il y a pas d’âge pour se reconvertir et on arrête jamais d’apprendre.
Toucher à tout ou en tout cas s’intéresser à tout.

Être trèèèès motivé et passionné, comme je disais la vie sociale est pas toujours évidente, du coup il faut vraiment aimer ce qu’on fait. Et les personnes motivées apportent toujours plus que les autres. 
Ne pas avoir peur d’aller voir les gens leur poser des questions, demander un stage, un travail, un conseil, ça coûte jamais rien et des fois ça paye énormément !

Passons à Overwatch, qu’est-ce qui t’attire dans le jeu ?

J’adore le mélange entre FPS et compétences façon MOBA, je ne connaissais pas Team Fortress quand c’est sorti du coup je trouvais ça révolutionnaire hahaha.
Et c’est un jeu rapide, t’as pas l’impression d’avoir passé ta vie dessus après une partie.

Y a-t-il un personnage que tu affectionnes particulièrement et pourquoi ?

Winston sans aucune hésitation, je voue un amour infini au monkey, parce que son histoire est super touchante. La cinématique était tellement belle et j’ai toujours rêvé d’aller dans l’espace. Mais surtout c’est le personnage good guy par excellence qui va incarner toutes les bonnes valeurs et les morales à adopter dans la vie, c’est un exemple d’altruisme et je trouve ça beau. ‘avoue, j’ai versé ma petite larme quand il décide de se sacrifier dans la cinématique OW2. 
Seul problème, je n’arrive pas du tout à le jouer haha.

Et si je dois dire un personnage que j’aime jouer le plus c’est Zenyatta. Il est pas prise de tête à jouer, c’est un support qui dps et le son des boules qui touchent… Sah quel plaisir haha.
Dans le style j’aime bien Ana aussi, plus impressionnante à regarder et intéressante à jouer.

Winston, par Aldin Viray sur ArtStation

Ton équipe favorite ? Ton joueur chouchou ?

L’année dernière j’aurais dis Paris Eternal parce que cocorico et les copains, mais mon cœur d’Overwatch ira partout où il y aura Féfé, Albless ou n’importe quel bro. Du coup cette année ce sera Toronto Defiant #RiseYourBaguettesTogether

Où peut-on te suivre sur les internets ?

Sur les chaînes Twitch d’O’Gaming, je travaille un peu sur tous les jeux selon la compétition et sinon sur Twitter et Instagram @ObsWellingston.

Un petit mot pour la fin ?

Merci beaucoup d’avoir pensé à moi ça fait énormément plaisir de parler et de partager son métier et sa passion aux gens, j’espère que je n’ai pas fait des trop gros pavés haha !

Un grand merci à Wellingston pour sa gentillesse et son exhaustivité ! On se retrouve très vite pour la suite (et fin) de notre triptyque spécial « Métiers de l’ombre », à bientôt !